Le charpentier Robert Lévesque et sa femme, la Fille du roi Jeanne Chevalier, figurent parmi les familles fondatrices de Rivière-Ouelle. Ils sont les ancêtres de 70 % des Lévesque du Québec.
105, chemin du Sud-de-la-Rivière à Rivière-Ouelle
Crédit : Photo - Pierre Lahoud
Les descendant, issus du mariage de Robert Lévesque et Jeanne Chevalier célébré le 22 avril 1679 à L’Ange-Gardien, se comptent par centaines de milliers et ils sont répartis principalement au Québec, mais aussi dans l’ensemble du Canada et aux États-Unis.
Le 10 novembre 1674, le seigneur Deschamps de La Bouteillerie attribue au charpentier Robert Lévesque une terre dans sa seigneurie. Il devient alors l’un des premiers censitaires avec ses voisins Galeran Boucher et Damien Bérubé, un maçon, recruté comme lui par Jean-Baptiste Deschamps.
Robert Lévesque construit sa maison et commence le défrichement. Quelques années plus tard, il épouse Jeanne Chevalier. La famille habite Rivière-Ouelle sur la terre ancestrale et tous les enfants du couple y naissent.
Au fil des ans, Robert Lévesque accumule un important domaine foncier. Mais son legs le plus important est d’une tout autre nature puisqu’avec sa femme Jeanne, il est l’ancêtre de 70 % des Lévesque du Québec. À la fin du XXe siècle, le patronyme figure au 14e rang des noms de famille du Québec avec environ 31 200 porteurs de ce nom
La terre concédée à Robert Lévesque en 1674 mesure 12 arpents et elle se situe au sud-est de la rivière Ouelle, quelques arpents à l’est de la route Verbois. Le domaine s’agrandira jusqu’à 42 arpents en 1683
Huit ans après son arrivée en Nouvelle-France, le 22 avril 1679 à L’Ange-Gardien, Robert Lévesque épouse la Normande Jeanne Chevalier, veuve depuis peu avec la responsabilité de trois jeunes enfants issus de son premier mariage
À cette époque, en France comme en Nouvelle-France, les patronymes étaient souvent écrits au son et il n’est pas rare de les retrouver écrits de différentes façons. Les immigrants d’alors viennent d’un peu partout en France, ils parlent avec des accents différents et ne savent pas toujours écrire. Lorsqu’un curé ou un notaire enregistre leur identité, cela donne des transcriptions variées. Dans Passeurs de mémoire, l’approche retenue est celle adoptée par le Programme de recherche en démographie historique (PRDH) de l’Université de Montréal dont la base de données repose sur les actes inscrits dans les registres paroissiaux et sur d’autres documents nominatifs des XVIIe et XVIIIe siècles. PRDH a standardisé les noms de famille c’est-à-dire que chaque nom y est représenté sous une forme standard qui regroupe toutes les variations rencontrées pour ce nom dans les informations provenant de plus de 2 350 000 actes. Cela explique pourquoi, dans le présent texte, nous utilisons les mêmes noms de famille en indiquant au début du texte les principales autres formes utilisées. Par ailleurs, les légendes y reprennent les patronymes des éléments visuels auxquels elles se réfèrent.
Robert Lévesque est baptisé le 3 septembre 1642 à Hautot Saint-Sulpice, une commune voisine de Cliponville en Normandie. Il est le fils de Pierre Leveque et Marie Caumont (Gaumont). Robert arrive dans la colonie en août 1671 avec Jean-Baptiste-François Deschamps qui prend peu après possession de la seigneurie de La Bouteillerie. Sont également du voyage, un autre charpentier, des maçons, des manœuvres et des Filles du roi, dont Jeanne Chevalier, qui deviendra son épouse. En 1692, Robert Lévesque acquiert trois terres de Joseph Renaud, employé au poste de traite de Rivière-du-Loup. De plus, la même année, son épouse Jeanne hérite d’une terre concédée par le seigneur Deschamps à son fils Nicolas Lecanteur, décédé à l’âge de 20 ans probablement des suites d’une épidémie de variole (petite vérole). L’inventaire des biens de Robert Lévesque peu après son décès indique qu’il lègue à son épouse :
« […] deux maisons au sein de la propriété des Lévesque-Chevalier, une grange et une étable, huit vaches, une génisse, deux jeunes veaux, huit taureaux, […] et des porcs […] des ustensiles de cuisine, un moulin à poivre, des bols, des plats et de la vaisselle, une table ovale, six chaises, des nappes, des serviettes de table, des draps, du linge, une armoire et trois coffres, dont deux pouvant être fermés à clef […] six vieux fusils et une vieille carabine […] un grand assortiment d’outils de charpenterie, des équipements de ferme, de pêche, dix-sept peaux de castors, un baril de graisse, une grande réserve de blé et quelques planches de pin»
Selon l’historien Henri-Raymond Casgrain, Robert Lévesque aurait fait partie d’un groupe d’une quarantaine de volontaires ayant repoussé la flotte du major général William Phips à l’embouchure de la rivière Ouelle vers le 13 octobre 1690. Phips projette alors de prendre Québec au nom du roi d’Angleterre. Le seigneur Deschamps étant absent, le curé Pierre de Francheville aurait rassemblé ses paroissiens, armés de leur fusil, pour empêcher les Anglais de débarquer pour se ravitailler.
Jeanne Chevalier, baptisée le 8 juin 1643 à Coutances en Normandie, est la fille de Jean Alexandre Jacques (Le) Chevalier et de Marguerite Scorinan Scoman (Scorban). En juin 1671, lorsqu’elle embarque à Dieppe en route vers la colonie avec plusieurs autres Filles du roi, elle a 28 ans et elle est parmi les plus âgées de la cohorte faisant la traversée cet été-là. Célibataire, elle apporte la dot du roi augmentée par celle de ses parents. Jeanne est accueillie par Anne Gasnier qui recrute en France des femmes désireuses de fonder un foyer en Nouvelle-France et les y accompagne. En 2017, Lynne Lévesque, une Américaine originaire du New Hampshire, consacre un livre à son aïeule Jeanne Chevalier. Elle y rapporte que l’intendant Talon recherchait des « filles [du roi] accoutumées à la dure vie rurale. [Elle le cite] Il serait bon de recommander fortement que celles qui seront destinées pour ce pays ne soient aucunement disgraciées de la nature, qu’elles n’aient rien de rebutant à l’extérieur [et] qu’elles soient saines et fortes pour le travail de campagne […]».
Peu après son arrivée à Québec, soit le 19 octobre 1671, Jeanne Chevalier épouse Guillaume Lecanteur Latour, un Normand comme elle. Trois enfants, Nicolas (1672-1692), Charles-Nicolas (1675-1699) et Guillaume (1678-), naissent de ce mariage. Jeanne accouchant en juillet 1678 de leur troisième enfant et se remariant en avril 1679, on situe le décès de Lecanteur en 1678. Selon certaines sources, il aurait laissé Jeanne avec des dettes et peu pour ne pas dire pas de ressources.
Elle est veuve depuis peu lorsqu’elle épouse Robert Lévesque, le 22 avril 1679. Contrairement à son premier époux, Robert Lévesque laisse à Jeanne un vaste domaine à son décès en 1699. Le 5 avril 1701, Jeanne Chevalier épouse, en troisièmes noces, Jean-Baptiste-François Deschamps, seigneur de La Bouteillerie. Il décède deux ans et demi après leur mariage, soit le 15 décembre 1703. Après la mort de Deschamps, Jeanne est hébergée chez son fils Pierre-Joachim et elle y vit jusqu’à son décès en 1716. Depuis 2017, une plaque honore sa mémoire à Dieppe en France.
Jean-Baptiste-François Deschamps naît à Cliponville en Normandie en 1646. Il est le fils du noble Jean Deschamps de Boishébert, seigneur de Costecoste, de Montaubert et des Landres, et d’Élisabeth Debain qui aurait eu au moins onze enfants. Avec l’intention d’obtenir une seigneurie, Jean-Baptiste-François s’embarque pour la Nouvelle-France ; il a 25 ans. Le 22 mai 1671, à bord du Saint-Jean-Baptiste, il se dirige vers Québec. Huit hommes l’accompagnent, dont des charpentiers et des maçons. Parmi ces hommes, nous retrouvons Robert Lévesque, le boulanger Jacques Thiboutot, également originaire de Cliponville, mais aussi d’autres hommes qui s’établiront dans la seigneurie de Deschamps tels le maçon Galeran Boucher, Damien Bérubé, Pierre Hudon dit Beaulieu, Pierre Dancause et Michel Bouchard.
Deschamps s’établit d’abord à Québec et l’année suivante, soit le 24 octobre 1672, il épouse Gertrude Macard (Macart), alors âgée de 16 ans. Elle est la fille de Marguerite Couillard et de Nicolas Macard, commis pour la Compagnie des Cent-Associés. Cette union favorise l’intégration de Jean-Baptiste-François à l’élite coloniale. Quelques jours après son mariage, le 29 octobre 1672, l’Intendant Talon lui concède la seigneurie de La Bouteillerie, aussi appelée de la Rivière Ouelle. Deschamps y habite et, en quelques années, il y regroupe une dizaine de familles.
La seigneurie de La Bouteillerie se bâtit en bordure de la rivière et non près du fleuve. Les premières concessions de terres sont situées sur la pointe de la rivière Ouelle. Le sol n’est pas rocailleux, la rivière est large à l’embouchure et proche de la mer, la forêt avoisinante est diversifiée. La seigneurie se développe rapidement. Lors du recensement de 1681, on dénombre 11 familles formant un total de 62 âmes, avec 132 arpents de terre en valeur. En 1698, la seigneurie compte 105 âmes et, en 1739, 302. En 1684, Deschamps cède une partie de son domaine afin que soient construits une église et un cimetière. La première chapelle s’y érige en 1685 et un prêtre réside dans la paroisse. Cette même année, le seigneur a déjà son manoir sur un domaine qu’il a défriché et qu’il cultive. Gertrude Macard, épouse de Deschamps, a 24 ans lors de son décès à Rivière-Ouelle le 20 novembre 1681. Veuf depuis 20 ans, Jean-Baptiste-François Deschamps refait sa vie avec Jeanne Chevalier, l’une des Filles du roi ayant fait la traversée en même temps que lui en 1671.
Au Kamouraska, le patronyme Lévesque est associé à près de 6 % de la population. Au Québec, un Lévesque sur cinq réside dans le Bas-Saint-Laurent.
Robert et Jeanne donnent naissance à cinq fils et une fille. Les trois cadets décèdent en bas âge et les trois fils aînés laissent une descendance de 36 enfants :
Les enfants de Robert et Jeanne vivent leur vie durant dans le Kamouraska. François-Robert y décède, de même que Pierre-Joachim, Joseph et les trois enfants morts en bas âge.
Parmi les principales familles kamouraskoises associées aux Lévesque à cette époque de la colonie, mentionnons les Bérubé, Boucher, Chapais, Dubé, Hudon, Ouellet, Miville… Ces familles font également l’objet d’un circuit Passeurs de mémoire.
Robert Lévesque partage la vie de Jeanne Chevalier durant 20 ans et il décède en 1699 à 57 ans, emporté par une grippe qui fait neuf autres victimes dont Charles-Nicolas Lecanteur, second fils Lecanteur de Jeanne. Robert est inhumé à Rivière-Ouelle deux jours après son décès. Jeanne décède le 24 novembre 1716 à 73 ans et elle est inhumée le lendemain, le 25 novembre 1716, avec Robert dans le premier cimetière de Rivière-Ouelle, ainsi que le seront la plupart de leurs enfants et petits-enfants.
Entre 1688 et 1818, 393 personnes portant le patronyme Lévesque reposent dans ce cimetière et, entre 1819 et 1861, 378 d’entre elles sont inhumées dans le second cimetière du village. À l’entrée du cimetière se trouve un monument érigé en 1999 par l’Association Lévesque Inc., en l’honneur des ancêtres Robert Lévesque et Jeanne Chevalier.
Le premier cimetière de Rivière-Ouelle se trouvait en bordure du cimetière actuel, à l’intersection de la Route 132 et du chemin du Haut-de-la-Rivière. Il est abandonné progressivement entre 1818 et 1838. Le deuxième cimetière de Rivière-Ouelle se situait à l’arrière de l’église et s’étirait vers le sud-est, entre l’église et l’école primaire Vents-et-Marées. Les dépouilles y sont ensevelies jusqu’à la fin du XIXe siècle puis transférées dans le cimetière actuel en 1882 et en 1890.