Jean Pelletier et son épouse Anne Langlois s’établissent dans la seigneurie des Aulnaies se rapprochant ainsi de leur fils Noël déjà installé dans la Grande-Anse de La Pocatière.
334, route de la Seigneurie à Saint-Roch-des-Aulnaies
Crédit : Photo - Pierre Lahoud
À la fin du XXe siècle, le patronyme Pelletier figure au 12e rang des noms de famille du Québec avec environ 32 900 porteurs de ce nom.
Le pionnier Jean Pelletier et son épouse Anne Langlois laissent une nombreuse descendance : ils ont plus de soixante petits-enfants. Les parents de Jean, Guillaume Pelletier et Michelle Mabille, sont les ancêtres de la majorité des Pelletier d’Amérique. Une dizaine d’hommes et une Fille du roi portant le patronyme Pelletier s’établissent en Nouvelle-France avant 1755 ; la majorité arrive entre 1636 et 1690. Guillaume Pelletier est le chef de la lignée qui nous mène jusqu’aux seigneuries de La Bouteillerie et de La Pocatière.
Après avoir élevé leur famille dans la région de Québec, Jean Pelletier et Anne Langlois s’établissent définitivement dans la seigneurie des Aulnaies sur une terre de cinq arpents de front que leur concède Nicolas Juchereau en 1679. En fait, ils sont pendant quinze ans, avec le pionnier Pierre de Saint-Pierre (1643-vers 1726) et son épouse Marie Gerbert (vers 1660-1749), les premiers et uniques colons de cette seigneurie aussi connue sous les vocables « Grande-Pointe » et « Grande-Anse ».
C’est donc tardivement, soit trente ans après leur mariage à Québec en octobre 1649, qu’ils se rapprochent de deux de leurs enfants, Noël et Anne Pelletier, vivant alors dans les environs, plus précisément dans la seigneurie de La Pocatière, où ils figurent parmi les premiers concessionnaires.
Après s’être fiancé deux ans plus tôt, Jean Pelletier épouse Anne Langlois à Québec le 9 novembre 1649. Jean a 21 ans et Anne n’en a que 12. La cérémonie est célébrée par le prêtre Jean Lesueur. Les registres précisent que le mariage a lieu à la résidence de Robert Giffard en présence de la parenté immédiate, de Jean Guyon, de Jean Coste et de Jean Juchereau de la Ferté, beau-frère de la mariée et frère de Nicolas, qui leur concédera une terre plusieurs années plus tard dans sa seigneurie de la Grande-Anse aussi appelée seigneurie des Aulnaies
À cette époque, en France comme en Nouvelle-France, les patronymes étaient souvent écrits au son et il n’est pas rare de les retrouver écrits de différentes façons. Les immigrants d’alors viennent d’un peu partout en France, ils parlent avec des accents différents et ne savent pas toujours écrire. Lorsqu’un curé ou un notaire enregistre leur identité, cela donne des transcriptions variées. Dans Passeurs de mémoire, l’approche retenue est celle adoptée par le Programme de recherche en démographie historique (PRDH) de l’Université de Montréal dont la base de données repose sur les actes inscrits dans les registres paroissiaux et sur d’autres documents nominatifs des XVIIe et XVIIIe siècles. PRDH a standardisé les noms de famille c’est-à-dire que chaque nom y est représenté sous une forme standard qui regroupe toutes les variations rencontrées pour ce nom dans les informations provenant de plus de 2 350 000 actes. Cela explique pourquoi, dans le présent texte, nous utilisons les mêmes noms de famille en indiquant au début du texte les principales autres formes utilisées. Par ailleurs, les légendes y reprennent les patronymes des éléments visuels auxquels elles se réfèrent.
Jean Pelletier est baptisé le 12 juin 1627 à Tourouvre en Normandie. Il est le fils des pionniers Guillaume Pelletier (Peltier) et Michelle Mabille. En 1641, Jean Pelletier, alors âgé d’environ 14 ans, arrive dans la colonie en compagnie de ses parents. Son père exerce le métier de charbonnier lorsqu’il décide de partir pour la Nouvelle-France. Avec son épouse, ils disposent de leurs biens et font le voyage avec Jean et vraisemblablement leur autre fils Guillaume. Aucune des sources consultées n’indique la présence de Claude Pelletier, leur fils aîné.
Comme plusieurs compatriotes, Guillaume Pelletier, père, et son frère Antoine auraient été recrutés par Robert Giffard, seigneur de Beauport et également originaire de Tourouvre, un des principaux artisans de l’immigration percheronne en Nouvelle-France.
Guillaume, père de Jean, s’établit sur la Côte-de-Beaupré. En 1646, Jean est un donné aux Jésuites. Un « Donné » est un missionnaire laïque au service des Jésuites, mais qui n’a pas fait vœu de religion. En 1646, Guillaume Pelletier, frère de Jean, accompagne les Jésuites à Sainte-Marie-des-Hurons. Dans les Relations des Jésuites, le père Lallemand écrit :
« Le 28 [août 1646] je partis seul dans un canot pour aller aux Trois-Rivières. Je menai avec moi dans une chaloupe deux hommes et un enfant. L’un des hommes était le fils du gobloteur, nommé Guillaume Pelletier, déserteur, scieur de long, charpentier, charbonnier, etc. Il se donna tout d’un coup ; on promit toutefois à ses parents cent francs pour sa première année, et on ne laissa pas de l’habiller tout de neuf ».
Jean Pelletier aurait suivi un cheminement semblable à celui de son frère Guillaume et serait lui aussi entré chez les Jésuites en août 1646. Aucun document ne permet de dire quelle fut la durée exacte du séjour de Jean Pelletier en Huronie.
Selon l’historien Paul-Henri Hudon, l’ancêtre Jean Pelletier ainsi que ses fils Noël et Jean auraient fait partie d’un groupe d’une quarantaine de volontaires ayant repoussé la flotte du major général William Phips à l’embouchure de la rivière Ouelle en 1690. Phips projette alors de prendre Québec au nom du roi d’Angleterre. Le seigneur Deschamps de La Bouteillerie étant absent, le curé Pierre de Francheville aurait rassemblé des hommes, armés de leur fusil, pour empêcher les Anglais de débarquer pour se ravitailler
Anne Langlois est baptisée à Québec le 2 septembre 1637. Elle est la troisième de onze enfants nés du mariage de Noël Langlois et de Françoise Garnier, une autre famille normande. Langlois est un défricheur recruté en 1634 par Robert Giffard comme Guillaume Pelletier. C’est à Québec que Noël et Françoise se marient peu après leur traversée et s’établissent à Beauport sur une terre concédée par Giffard. La terre de Noël était la sixième à l’ouest de celle de Guillaume Pelletier.
Après le décès de Françoise en 1665, Noël épouse la veuve Marie Crevet avec qui il n’a pas d’enfant. La sépulture de Noël Langlois a lieu le 15 juillet 1684. Dans les registres de Beauport, on note que « Noël Langlois âgé d’environ 80 ans et plus ancien habitant du pays [est] décédé le jour de devant dans la piété chrétienne après avoir reçu les sacrements de l’Église et mené une vie exemplaire avec l’approbation de toute la paroisse. »
C’est en 1656 que Nicolas Juchereau (1627-1692) reçoit un territoire qui correspond en gros aux premières concessions des paroisses Saint-Roch-des-Aulnaies et Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Nicolas Juchereau arrive dans la colonie en 1634 avec son père, Jean Juchereau de Maur. Selon l’historien Bernard Weilbrenner :
« Nicolas Juchereau jouit de vastes domaines. Par concession, don ou achat, il obtient des terres à Québec, à Beauport et à l’île d’Orléans. En 1656, il se fait concéder la seigneurie de la Grande Anse (Saint-Roch-des-Aulnaies), comprenant îles et battures, où il ne se fait que peu ou pas de culture. Les Giffard lui concèdent, en 1673, le fief Duchesnay, comprenant neuf arpents de front sur toute la profondeur de la seigneurie de Beauport ; Juchereau voit à son peuplement et à son exploitation ».
Pendant une quinzaine d’années après leur mariage, Jean, Anne et leurs enfants habitent la maison des parents de Jean à Beauport. Ils passent par l’île d’Orléans, l’Île-aux-Oies et l’Île-aux-Grues avant de s’établir définitivement dans la seigneurie des Aulnaies. Jean Pelletier et sa femme Anne Langlois ont neuf enfants, incluant Antoine et Delphine morts peu après leur naissance. Les enfants Pelletier naissent à Beauport sauf Marie, née à l’île d’Orléans. Noël, le fils aîné né en 1654, épouse Madeleine Mignault (Mignot, Migneault) (1654-) en 1674. Ils ont huit enfants. La famille s’établit dans la seigneurie de La Pocatière vers 1676 et Noël décède en 1712.
Anne Pelletier et Guillaume Lizotte sont les ancêtres de tous les Lizotte d’Amérique.
Anne, seconde enfant de la famille d’Anne et Jean, naît en 1656. Le 19 janvier 1670 à Québec, elle épouse le pionnier normand Guillaume Lizotte (Lizot) (vers 1643-). Leurs enfants se marient à Rivière-Ouelle, sauf Catherine, la cadette. Anne Pelletier serait vraisemblablement décédée vers l’âge de 30 ans. Guillaume Lizotte se remarie en 1696 à Québec avec Marguerite Peuvret (Peuvrier), veuve du chirurgien Jacques Meneux et mère d’au moins dix enfants, dont la plus jeune est âgée d’environ 14 ans.
René Pelletier, né le 2 mars 1659, épouse Madeleine Leclerc (1672-1702) à Saint-Pierre-de-l’Île-d’Orléans le 5 novembre 1691 et le couple s’y établit. Six enfants naissent de cette union. Madeleine Leclerc est inhumée à Saint-Pierre le 24 octobre 1702. L’année suivante, René épouse la veuve Jeanne-Anne Godbout (1665-1732) et ils ont trois enfants. René décède à Saint-Pierre le 13 janvier 1713. Jean Pelletier, fils, né le 19 avril 1663, épouse Marie-Anne Huot Saint-Laurent (1666-1734) à Rivière-Ouelle le 8 janvier 1689. Ils ont huit enfants. Leur petit-fils Joseph est l’arrière-grand-père de Charles-Alphonse-Pantaléon Pelletier, un illustre Rivelois. Jean Pelletier, fils, décède en 1739.
Marie Pelletier, fille de Jean et d’Anne, naît le 4 mai 1667 et elle décède le 6 novembre 1725 à Cap-Saint-Ignace après avoir donné naissance à 15 enfants de deux mariages sur une période de 28 ans. Huit sont issus de son mariage avec Jacques Gerbert (1665-1699) en 1686. Gerbert est le frère de Marie Gerbert, épouse de Pierre Saint-Pierre, voisin de la terre familiale Pelletier dans la seigneurie des Aulnaies. Sept autres enfants naissent du second mariage de Marie Pelletier avec Mathieu Guillet (vers 1670-1757) en 1700.
Charles Pelletier naît à Québec le 25 septembre 1671. En 1698, il épouse Thérèse Ouellet (vers 1679-1707), fille des pionniers René Ouellet et Thérèse Mignault. Charles et Thérèse auront trois garçons à Rivière-Ouelle puis deux filles naîtront dans la future paroisse de Saint-Roch-des-Aulnaies. Thérèse Ouellet décède prématurément ; elle n’a pas encore 30 ans. En 1711, Charles Pelletier épouse Barbe Saint-Pierre (1685-1752), fille des Saint-Pierre voisins de la terre familiale Pelletier dans la seigneurie des Aulnaies. Charles et Barbe ont dix enfants. Charles décède à Saint-Roch-des-Aulnaies le 30 décembre 1748. C’est lui qui hérite de la terre familiale qui jouxte le Marqueur Pelletier-Langlois.
Enfin, Charlotte Pelletier, cadette de la famille de Jean et Anne, est baptisée en 1674 à Beauport, les parents souhaitant comme parrain et marraine Charles et Marie-Anne Juchereau, fille de Nicolas Juchereau et de Thérèse Giffard (fille de Robert Giffard) et seigneuresse de La Pocatière. Charlotte épouse André Minier dit Lagacé (Migner) (1669-1727) à Rivière-Ouelle le 10 novembre 1693 et elle y est inhumée le 2 septembre 1699. André Minier épouse en 1701 Françoise Ouellet (1682-), fille des pionniers René Ouellet et Thérèse Mignault. Plusieurs enfants sont issus de ce mariage.
Le pionnier Jean Pelletier décède le 24 février 1698 à l’âge de 70 ans. Son épouse Anne Langlois décède en mars 1704 et elle est enterrée à Rivière-Ouelle. Avec leur fils Noël et leur fille Charlotte, ils sont inhumés dans le premier cimetière de Rivière-Ouelle. Entre 1689 et 1818, 41 personnes portant le patronyme Pelletier y reposent et, entre 1819 et 1849, 63 sont inhumées dans le deuxième cimetière. Le premier cimetière se trouvait en bordure du cimetière actuel, à l’intersection de la Route 132 et du chemin du Haut-de-la-Rivière. Il est abandonné progressivement entre 1818 et 1838.
Le deuxième cimetière de Rivière-Ouelle se situait à l’arrière de l’église et s’étirait vers le sud-est, entre l’église et l’école primaire Vents-et-Marées. Les dépouilles y sont ensevelies jusqu’à la fin du XIXe siècle puis transférées dans le cimetière actuel en 1882 et en 1890. Un grand nombre de membres des familles Pelletier sont inhumés dans le cimetière actuel. À l’entrée, un monument rend hommage aux ancêtres Jean Pelletier et Anne Langlois.
On retrouve dans ce cimetière au moins 80 membres de la famille Pelletier, dont Jean, fils de Charles et de Thérèse Ouellet, Joseph, fils de Noël et de Madeleine Mignault, ainsi que Marie-Anne et son frère Jean-Baptiste Pelletier, petits-enfants de Jean et de Marie-Anne Huot Saint-Laurent. Une plaque commémorative recense les noms de 219 familles pionnières dont les membres y reposent. Plus de 1 500 pionniers de Sainte-Anne-de-la-Pocatière et de Saint-Roch-des-Aulnaies sont inhumés dans ce cimetière entre le 8 février 1715 et le 5 octobre 1799.